La politique budgétaire américaine 2025-2026 serait marquée par l’incertitude et combinerait coupes massives dans les dépenses et baisses d’impôts, creusant le déficit et portant la dette à 126,4 % du PIB. En Europe, la France et l’Italie poursuivraient la consolidation budgétaire, tandis que l’Espagne améliorerait ses finances grâce à une croissance solide. L’Allemagne adopterait une stratégie de relance, dont l’impact positif soutiendrait la croissance de ses voisins, notamment la France, l’Italie et le Royaume-Uni.
11.1 Politique budgétaire américaine : de l’expansion à la restriction
Le scénario de politique budgétaire américaine en 2025 et 2026 est marqué par une forte incertitude. En effet, le gouvernement Trump prévoit à la fois un choc fiscal positif marqué par de fortes baisses d’impôts, mais également des coupes massives dans les dépenses1. Au total, selon nos hypothèses, l’effet de baisse des dépenses (de l’ordre de 100 milliards de dollars dès 2025 puis 200 milliards supplémentaires en 2026) dominerait en 2025, alors que l’essentiel des baisses d’impôts aurait lieu en 2026 : l’impulsion budgétaire2 serait ainsi de -0,2 % du PIB en 2025 et de 0,3 % en 2026. Quant au solde public, il se dégraderait, passant de 7,0 % du PIB en 2024 à 7,7 % en 2026 (graphique 11.1), tandis que la dette publique augmenterait de près de 5 points en deux ans, pour atteindre 128,4 % du PIB en 2026.
1 Ces dernières sont présentées comme des mesures d’efficacité, et ne visent pas nécessairement à réduire le déficit ou la dette.
2 L’impulsion budgétaire est mesurée par l’opposé de la variation du solde structurel primaire, c’est-à-dire hors charges d’intérêt et recettes exceptionnelles : elle représente la politique budgétaire discrétionnaire.
11.2 Zone euro : la relance allemande éclipse la consolidation budgétaire
Entre 2019 et 2023, pour faire face aux crises de la Covid et de l’énergie, les gouvernements de la zone euro ont mis en place des plans de soutien qui se sont traduits par une augmentation des niveaux de dette publique. Avec la normalisation de l’inflation (Voir partie Inflation), notamment énergétique, les mesures de soutien à l’énergie connaissent un effet d’attrition (graphique 11.2). En revanche, les dépenses liées à la défense devraient augmenter - dans des proportions variables - , dès 2025 en Espagne, et à partir de 2026 en France et en Italie. En Allemagne, l’augmentation des dépenses liées à la défense, initiée en 2022, devrait se poursuivre3. Sur la stratégie budgétaire en 2025-2026, les trajectoires divergent. En France, l’heure est à la consolidation budgétaire : l’impulsion budgétaire en 2025 représenterait 0,8 % du PIB. L’Italie est dans la même perspective, mais avec une consolidation beaucoup plus faible (0,2 % du PIB en 2025). Le très fort ajustement structurel observé en 2024 est lié à la fin du superbonus, ainsi qu’à une forte élasticité des recettes fiscales à la croissance. En 2025, le gouvernement italien devait faire 0,5 % d’ajustement structurel, mais il mise sur le fait que l’élasticité des recettes observée en 2024 serait de nature permanente, et prolonge la baisse des impôts qui devait initialement expirer en 2025. C’est pourquoi nous inscrivons un ajustement structurel plus faible en prévision. A contrario, l’Espagne, avec une prévision de croissance de 2,3 %, verrait son solde public s’améliorer et l’endettement public se réduire malgré une impulsion budgétaire positive (0,8 point de PIB). Quant à l’Allemagne, elle a décidé de tourner le dos à l’austérité en votant un plan de relance budgétaire massif début 20254. En 2026, la France poursuivrait la consolidation budgétaire, rejointe par l’Espagne, alors que l’Italie connaîtrait une impulsion nulle.
3 En Allemagne, un fonds spécial dédié à la modernisation de l’armée avait été créé dès 2022, doté de 100 milliards d’euros.
4 Le projet de budget transmis à la Commission européenne le 15 octobre 2024 prévoyait initialement une impulsion budgétaire négative de 0,8 point.
La relance allemande aura un impact positif sur les autres pays de la zone euro. Dans notre prévision d’octobre 2024, nous inscrivions une trajectoire de réduction des déficits publics pour l’Allemagne en 2025, avec une impulsion négative de 0,7 % du PIB, qui devait se poursuivre en 2026. La révision de notre scénario, qui inclut le plan d’investissement dédié aux infrastructures et à la défense, nous conduit à inscrire un ajustement nul en 2025, et fortement positif (1 % du PIB) en 2026 (encadré 17.1). Ainsi, par rapport au contrefactuel de notre précédente prévision, la croissance des grands pays voisins de l’Allemagne serait positivement affectée par sa relance budgétaire. Nous estimons que dans les cas de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni, l’impact serait de 0,1 point de croissance supplémentaire en 2025 et de 0,2 point en 2026. Cette estimation fait l’hypothèse que la part des dépenses orientée vers des entreprises européennes resterait inchangée. Or, dans un contexte de fragmentation accrue du commerce international et de recentrage européen – notamment pour les dépenses militaires – , l’impact pourrait être amplifié.
- Le budget de la défense hors pensions s’élève à 39,2 et 50,5 milliards d’euros en 2021 et 2025 respectivement, soit une hausse de 0,4 point de PIB. Le déficit public toléré via l’activation de la clause dérogatoire pourrait donc s’élever à 5,8 points de PIB au lieu des 5,4 approuvés précédemment par le Conseil.
- Défense aérienne et antimissile, systèmes d’artillerie, munitions et missiles, drones et systèmes anti drones, mobilité militaire, intelligence artificielle, intelligence quantique, cyberdéfense, guerre électronique, capacités stratégiques et protection des infrastructures critiques
- Le groupe de pays membres de l’AELE et de l’EEE inclue l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
- Les dépenses de défense totales des pays de l’UE s’élevaient à environ 1,9 point du PIB de l’UE en 2024 d’après l’Agence européenne de défense.
- Le SIPRI mesure les transferts internationaux d’armes en TIV (Trend Indicator Value), une unité de mesure qui reflète le coût de production des transferts. Si le prix de vente s’écarte significativement du coût de production, alors la valeur des imports d’armes pourrait être bien plus importante que celle suggérée sur le graphique 11.5.